La société a été ubérisée, me disait un chasseur de têtes. Les plans sociaux successifs ont jeté dans la nature beaucoup de cadres (les gens avec qui il travaille), qui se sont réinventés en indépendants.
Paradoxalement, l’indépendance correspond de plus en plus aux aspirations des jeunes, et de moins jeunes.
Cela pose une question : la pérennité de l’emploi. Un ingénieur m’a dit qu’à moins de choisir la voie, de plus en plus étroite, donc risquée, du management, être indépendant était la seule manière de cultiver son savoir-faire, et de maintenir son intérêt pour l’employeur.
D’ailleurs, je découvre beaucoup qu’il y a de plus en plus de spécialités extrêmement « pointues », cruciales à certains moments, mais sans emploi la plupart du temps. Le seul moyen de les conserver (elles évoluent sans cesse) est de travailler pour beaucoup de monde.
Proposer ces gens pourrait être la mission des cabinets de conseil. Seulement, ils ont choisi le modèle de la « chair à canon ». En conséquence, les indépendants de valeur tendent à s’organiser en nuées plus ou moins structurées.
Ce qui m’amène à une étrange idée. J’ai déjà rencontré ce modèle, dit « japonais », dans une usine espagnole. Elle devait sa performance exceptionnelle, qu’aucun délocalisé ne pouvait approcher, au fait qu’elle gérait une nuée de sous-traitants. Elle ne se préoccupait pas de prix, mais de charge : elle cherchait à en assurer un minimum, partout. Pour ce faire, elle avait développé un système d’information sophistiqué, et elle possédait quelques vieilles machines, qui lui permettaient de prendre la charge qui dépassait les capacités de ses sous-traitants, ou ce qu’ils ne voulaient pas faire. Si l’on remplace, dans cette histoire, la machine par l’homme, a-t-on là le modèle de l’avenir ?