Le chant du boson

Qui était le professeur Higgs, l’inventeur du boson qui porte son nom ? Une émission de France culture (La science, CQFD).

Un homme discret, qui n’a quasiment publié que l’article qui a fait sa gloire, il y a 60 ans, et qui a été sur le point de se faire éjecter de son université, pour cette raison. (Nous vivons à l’époque du « publish or perish » : une transposition de la logique du marché au monde des sciences.) Heureusement pour lui, il était en odeur de prix Nobel. Et il a eu la chance de vivre assez vieux pour l’obtenir.

Avec lui, on découvre que la physique a changé. Il n’y est plus question que de champs et de particules associées. Le sien donne leur masse aux autres. On apprend aussi que le vide ne l’est pas…

La physique y a gagné en humanité. Dans ma jeunesse elle était dominée par des génies, dont on ne parlait qu’avec stupeur et tremblements, et elle nous promettait de trouver l’équation fondamentale. Désormais, elle s’enfonce dans la complexité, et c’est un travail d’humbles artisans. Et surtout, il est fini le temps où l’on connaissait la nature du monde. Aujourd’hui, on n’a plus que des représentations et elles sont appelées à se transformer radicalement, de temps à autres.

L’étranger

Malcolm Gladwell parle de notre interprétation de « l’étranger ». (Une émission de la BBC.)

Eh bien, qui que nous soyons, nous tendons à nous tromper sur son compte. En gros nous sommes faits pour vivre avec des gens normaux faisant des choses normales. Si un innocent se comporte d’une manière inhabituelle, nous le croyons coupable. Et inversement. Et la justice est au moins autant susceptible à ce biais que l’homme ordinaire. Fort inquiétant.

De même, nous sommes tout à fait incapables de comprendre l’importance que notre environnement immédiat a sur l’individu. Ainsi, en augmentant le nombre de policiers dans un quartier, on y a réduit radicalement la prostitution, simplement parce que les prostituées préféraient changer de métier que de quartier, et ce parce qu’elles en connaissaient les règles.

Le plus surprenant, peut-être, est à quel point nous pouvons être sûrs de notre jugement…

Marge et changement

Ce qui me frappe dans la pensée scientifique, c’est son déterminisme.

Elle explique l’avenir en disant qu’il découle de phénomènes qu’elle étudie.

Mais ces phénomènes correspondent à des moyennes. Or, ce sont des marges que viennent les changements.

C’est ce que je retiens de mes années d’études de marché. Et même ces marges ne sont pas suffisantes. Elles ne sont que la seconde étape du changement, le moment où il commence à être visible. A son origine est un individu isolé, et des circonstances fortuites.

Je lis actuellement les mémoires du général de Gaulle. Elles illustrent cette idée. De Gaulle n’était rien. Mais il s’agite, il se fait connaître. Il rencontre des hommes politiques. (Il semble particulièrement apprécier les socialistes, en particulier Blum et Mandel.) On lui confie une division blindée, alors qu’il n’est que colonel. Puis il est sous-secrétaire d’Etat. Puis il se retrouve en Angleterre, tout seul. Mais, petit à petit, tout un groupe se constitue autour de lui, jusqu’à des généraux d’armée qui lui font allégeance. Et Churchill décide de le soutenir.

En fait, le changement n’est compréhensible qu’a posteriori ?

Colle

Des bénéfices de la colle. Une émission de la BBC. (Glued up : the sticky story of humanity.)

Effectivement, on ne se rend pas compte du rôle de la colle. Et de son ancienneté : les hommes préhistoriques collaient. Et parce qu’ils mâchaient la colle, il s’y est piégé leur ADN, et même celui de leur diète alimentaire. (Apparemment, les mâcheurs d’Europe étaient noirs aux yeux bleus et ils mangeaient des canards et des noisettes.) Aujourd’hui la colle permet de faire des composites, auparavant du contre-plaqué, le tout essentiel pour l’aviation, entre-autres.

Pour une raison qui m’a échappé, le caoutchouc était aussi de la partie. C’est à Goodyear que l’on doit son usage généralisé. C’est un hasard qui lui a fait découvrir la vulcanisation, qui a permis cet usage. Grande leçon d’innovation : Goodyear a procédé sans aucune méthode, tentant toutes les idées possibles. Et il a fini ruiné. Curieusement : des civilisations sud américaines avaient découvert ce procédé des millénaires plus tôt.

Théâtre de boulevard

Pièce de théâtre de boulevard par des amis amateurs. Plongée dans mon enfance.

C’est étonnant à quel point un spectacle peut être codifié. Le ressort du théâtre de boulevard est l’infidélité. Infidélité généralement provisoire. (L’ordre finit toujours par gagner, comme dans les films de gangsters.) Mais on y est obsédé par le sexe. Mais aussi par le succès matériel. Il faut des bons mots, pas trop difficiles à comprendre, et l’on doit s’agiter, il faut de l’inattendu, « du spectacle ». Epater le bourgeois.

Notre morale moderne devrait juger que tout cela est horriblement mal pensant. Surtout, cela ne devrait plus fonctionner : le couple moderne n’a plus rien à voir avec l’étouffant mariage d’après guerre. Mais ça marche. Le spectateur était heureux. Il ne fait pas d’analyse de texte.

Dans un bon spectacle, il faut qu’il y en ait pour tous les publics ?

Dialogue des peuples

Les Israéliens tuent des militaires iraniens. L’Iran doit riposter. Mais on sait qu’il n’a pas intérêt à un conflit. Attention, dit M.Biden, ils vont envoyer une nuée de drones. Les Iraniens envoient une nuée de drones. Ils sont abattus. Ne ripostez pas dit M.Biden aux Israéliens. On ne peut pas, entend-on dire l’armée. Attaque limitée. L’Iran n’en parle pas. Mais elle porte, d’après ce que j’entends, un message : rien en Iran n’est à l’abri de nos tirs, et nous savons où tirer.

Paradoxalement, c’est une forme de dialogue. Pour le pratiquer, il faut une connaissance intime de l’autre, et donc un grand intérêt pour lui. Comme disait Saint Augustin : « aime et fais ce que tu veux » ?

Cross culturel

Le Français est un mystère.

Aider l’entrepreneur fait rencontre quelque-chose qui ressemble à une « irrationalité culturelle ».

J’en suis arrivé au modèle suivant. Quand il analyse un problème, il ne voit que ce qu’il pense savoir faire. Du coup, il est certain qu’il va réussir. Mais il ne voit pas la complexité réelle du problème, et les limites de ses compétences.

Plus étrangement, il ne connaît pas du tout ses compétences. Par exemple, il se croit « coach », parce qu’il vient d’obtenir un diplôme de coach, alors que toute sa vie s’est passée dans la logistique, et qu’il est un expert de ses problèmes.

Il a donc besoin d’autres compétences. Mais, plus curieusement encore, il les voit avec hostilité. L’enfer, c’est les autres, en quelque-sorte.

J’en arrive à penser que la réelle question de la diversité est là : ce n’est pas mélanger les hommes et les femmes ou les religions, mais comprendre que le « sale type » est notre avenir ?

Folklore américain

VW workers in Tennessee vote to join union in win for US labour movement
Victory was part of a $40mn campaign to organise workers at 13 mostly foreign-owned carmakers across the US

Financial Times du 20 avril

J’ai longtemps mené des missions dans le secteur automobile, et je me souviens avoir entendu dire que les constructeurs allemands étaient très soucieux de ne pas avoir, aux USA, de personnels syndiqués. Pour cela, il appliquaient les recettes allemandes de la concorde sociale.

Apparemment, ils ont échoué. Vont-ils devoir apprendre à composer avec la culture américaine de la lutte des classes, des rapports de force, et des coups tordus ? Eternelle règle : « à Rome, fais comme les Romains » ?

Label

Je pensais que « label » était un emprunt récent à l’anglais. Eh bien, c’est faux. C’est bien un emprunt, mais il est entré dans le dictionnaire il y a déjà longtemps. (1906, d’après le Robert.)

Il se trouve qu’il est lui-même un emprunt au mot français qui serait à l’origine de « lambeau ».

Adoptons-nous d’autant mieux les anglicismes, qu’ils ont leur origine chez nous ?

SNP

Il y a quelques années, Nicola Sturgeon, la présidente du SNP, le parti indépendantiste écossais, semblait marcher sur l’eau. Même les Anglais rêvaient d’avoir un premier ministre de sa trempe.

Depuis quelques temps, j’entends qu’elle est aux prises avec une sale affaire. Apparemment, elle dirigeait son parti avec son mari, et celui-ci se serait rendu coupable de détournements de fonds.

Etrange. Des dangers du pouvoir ? Il fait perdre le contact avec la réalité. Peut-être aussi une question d’éducation ? On raconte que de Gaulle, avec sa retraite de colonel, avait du mal à boucler ses fins de mois…