Antichiante BBC ?

Je suis surpris par la quantité et la qualité des séries radiophoniques de la BBC.

Contrairement à ce que l’on trouve chez France Culture, on n’essaie pas (trop) d’en faire des oeuvres d’art. Elles ressemblent, plutôt, à la bande son d’un film. Je les préfère au film, d’ailleurs : je n’ai pas besoin de les regarder, et mon imagination est plus belle que la réalité…

Déception, tout de même : les classiques. Ce qu’un classique a de miraculeux, c’est le style de l’auteur. Or, c’est le style qui, justement, est la victime du traitement cinématographique de l’oeuvre. La seule exception est la pièce de théâtre.

Les consultants, les journalistes, les agriculteurs, les avocats, les architectes, le gouvernement, Internet… il n’y a pas un sujet d’actualité dont elle ne soit capable de parler, avec dérision, et surtout, une connaissance d’initié.

Comment y parvient-elle ? L’Anglo-saxon est formé à être un citoyen, c’est à dire à l’art du forum, la rhétorique. Penser et parler. Les deux sens de « logos ». Boris Johnson, qui a étudié les lettres classiques, aurait pu être un consultant en management. En conséquence, cette élite formée à la pensée, à l’esprit critique, est partout, et capable de décrire ce qu’elle voit, et d’en faire une oeuvre d’art.

C’est drôle, mais aussi inquiétant. Car, lorsque l’humour se dissipe, beaucoup de vérités apparaissent. Et ce n’est guère rassurant. La force de la série anglaise est de corriger les moeurs par le rire ? La définition d’antichiant ?

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Iraq

Pourquoi la guerre d’Iraq ? La BBC enquête. Les « néocons » américains ont décidé d’opérer un « changement de régime ». (Pourquoi ?) Les attentats du 11 septembre leur ont permis de convaincre le président Bush de passer à l’action. Apparemment, Tony Blair aurait été embarqué dans cette affaire contre sa volonté : il désirait une alliance forte avec l’Amérique quoi qu’il en coûte.

Il a tenté, tout de même, de la faire entrer dans la légalité. Mais il ne pesait pas lourd. Son seul espoir, alors, a été les « armes de destruction massive ». Apparemment, le chef de ses services secrets y croyait, et y croit toujours. Quand les inspecteurs envoyés sur le terrain ont dit qu’ils ne trouvaient rien, on les a censurés.

Ce qu’il y a d’effrayant dans cette histoire est qu’elle fournit un précédent à l’invasion de l’Ukraine.

Si la démocratie a une force, c’est la BBC : sa capacité à enquêter sur elle-même. Il faudrait qu’elle en profite pour éviter de répéter des erreurs criminelles.

Acclimatation

L’autre jour il était question « d’acclimatation » dans l’émission de Jean-Noël Jeaneney (France culture).

En fait on y parlait de notre rapport à la nature, et à l’animal. Au 19ème, la société avait une vision « utilitariste ». Elle voyait dans l’animal une ressource naturelle. Le « progrès » consistait à « acclimater » des espèces étrangères à nos latitudes, de façon à en faire quelque-chose d’utile pour nous.

Puis on s’est rendu compte que ce n’était pas possible, et que les ressources naturelles étaient limitées. En conséquences, la « doxa » a changé.

Autrement dit la pensée manichéenne actuelle est fausse. Nos ancêtres n’étaient pas manipulés par les « forces du mal », qui se seraient soudainement dissipées. Le pragmatisme succède à l’idéalisme.

Valeur travail

Depuis quelque temps, j’entends parler d’une mystérieuse « valeur travail ». On l’agite avec un air entendu. Mais je n’entends rien.

D’où vient le problème ? Peut-être de la définition du mot « travail ».

Je soupçonne qu’elle s’oppose à la notion de « loisir », façon Oscar Wilde, et qu’elle glorifie ce qu’un métier a de « sot ». Le travail de Charlot, dans Les temps modernes.

Le problème est là. La philosophie du loisir à la Oscar Wilde est un individualisme, un égoïsme. Le travail façon conservateur est un esclavagisme. Notre société, je crois, veut d’un véritable « travail », c’est à dire d’une action qui profite, avant tout, à la société, qui ait un « impact ». Et qui, d’ailleurs, peut ne pas être rémunérée. C’est en cela qu’il faut entendre son désir de « sens ».

Le cheval : espèce menacée

Le cheval aurait dû disparaître. C’est la domestication qui l’aurait sauvé. Il n’y aurait d’ailleurs aucune espèce de chevaux réellement sauvage. J’ai entendu dire cela par In our time de BBC 4.

Comme quoi, rien n’est simple. L’homme n’est pas que destructeur d’espèces animales, il est aussi créateur, ou protecteur. D’ailleurs, on peut imaginer que du fait des modifications qu’il apporte à la nature, il contribue à la sélection naturelle.

Je me demande parfois si la vie ne ressemble pas à mes rosiers : le rosier semble avoir un « principe vital », qui l’amène à profiter des difficultés que lui cause le jardinier, jusqu’à ce que la difficulté soit insurmontable, et que le rosier crève…

Big bang ?

Le gouvernement va-t-il être renversé ? J’entends dire que Mme Le Pen pourrait bientôt diriger la France.

On ne lance pas de pierres, quand on habite une maison de verre ? Curieuse réforme des retraites. Qu’est-ce qui a poussé notre président à prendre ce risque ? Je vois dans la presse étrangère et française qu’il est victime d’un déni démocratique.

Toujours est-il que cela illustre une propriété de l’histoire que l’on n’enseigne pas à l’école. Un incident infime peut la faire changer de cours, radicalement, façon big bang. L’instant d’avant c’est la paix. Celui d’après, la guerre.

Ainsi, ce n’est pas la crise qui a amené Hitler et le nazisme au pouvoir, mais la mort d’un homme politique qui était parvenu à maîtriser les instincts suicidaires de son pays. De même Nicola Sturgeon vient de disparaître, pour avoir pris une mesure malheureuse, alors qu’elle était au faîte de sa popularité.

Le général dans son labyrinthe

Les derniers jours de Bolivar. Histoire d’un naufrage. Celui du « libérateur » de l’Amérique hispanophone. Mais les peuples sont ingrats. Et son rêve d’une Amérique latine unifiée ne verra pas le jour. Il s’engage avec ses derniers fidèles dans un dernier voyage. Il parle de partir en exil. Il est malade, a-t-il la tuberculose ?, il va du délire à la lucidité, et revit quelques épisodes de son passé, rarement intéressants. Il meurt à 47 ans.

Le livre ne raconte pas la vie de Bolivar. Même en flashback. En particulier, on n’y parle pas de ses batailles. Et, celui qui n’est pas familier de l’histoire latino-américaine a bien du mal à savoir qui est qui parmi tous ces généraux. Quant à Bolivar, l’auteur aurait pu le réinventer, en faire un personnage de fiction, ou il aurait pu faire un travail d’historien. Mais, au milieu des deux, il n’y a rien. Bolivar semble une sorte d’extra-terrestre, un fantoche ridicule.

L’Etat à l’eau

Rapport de la Cour des comptes. Il parle de la « différence entre les logiques administratives (régions, départements) et hydrographique (bassins versants ou sous-bassins versants) », ayant pour résultat que « 56 % des masses d’eau de surface et 33 % des masses d’eau souterraines ne sont pas en bon état au sens de la directive communautaire sur l’eau ».

Paradoxe d’un Etat surpuissant ? Il a cru qu’il commandait aux éléments ? D’où un délire de directives politiques créant un « mille feuille » d’organismes qui ne sont plus responsables de rien ? Ce qui lui a fait perdre de vue l’intérêt général, la bonne administration de l’eau ?

Cas particulier d’un problème général ? Comment amener l’Etat à prendre à nouveau conscience de ce que doit être son rôle ? De sa Responsabilité Sociale ?

McChrystal

Lorsque je relis mes notes, je vois que, du temps du général McChrystal, on pensait que l’Afghanistan pourrait devenir un pays civilisé. Il a été licencié par B.Obama. 

On peut se demander si le retrait d’Afghanistan, honteux, n’a pas convaincu le monde du ridicule de l’Ouest, avec toutes les conséquences que cela peut signifier, en Ukraine, demain à Taiwan ?, et ailleurs.

L’Afghanistan aurait-il pu être un succès ? 

En y réfléchissant, il me semble que l’on ne peut pas laisser crever des gens quand on peut les sauver. Et qu’il aurait fallu essayer de le faire « quoi qu’il en eût coûté ». Ce n’était pas parce que, jusque-là, l’intervention américaine avait été un échec qu’il ne fallait pas persévérer.

(On disait d’Obama que de « cool », il était devenu « cold ». Le mal des bien-pensants ?)

Perte de sens

Philippe d’Iribarne, auteur de La logique de l’honneur, propose une explication à la perte de sens ressentie par le Français, particulièrement fortement.

En France, le diplôme est associé à un statut. Le fait que le diplôme ait été donné à beaucoup de monde, a produit une génération de déclassés. Et ce d’autant que, dans notre belle culture, le subalterne est traité comme un inférieur.

La solution ? L’entreprise agile. (Ou partir travailler à l’étranger ?)

(Article.)

Effectivement, on constate que de plus en plus de gens choisissent le statut d’indépendant.

Mais, peut-être faudrait-il finir par s’interroger sur la nature des relations sociales en France ?