Morale et complexité

Drôle de De Gaulle. Je lis ses mémoires et je le découvre telle qu’on ne l’imagine pas.

Les Américains lui expliquent qu’il doit choisir son camp. Il y a le bien et le mal. Les communistes, d’un côté, et eux, de l’autre. Il leur répond qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Sous l’URSS, il y a la Russie. Elle est éternelle. Et elle n’a aucun intérêt à attaquer l’Occident. Il veut donc favoriser la détente. C’est ce qu’il dit, d’ailleurs, aux dirigeants russes.

Curieusement, il est très proches des thèses de la jeunesse gauchiste. Non seulement, il veut la détente, et, en conséquence, il critique la guerre du Vietnam ! mais il milite pour éliminer les matériels lanceurs d’armes nucléaires, le meilleur moyen, selon lui, d’éliminer la production de celles-ci. (Effectivement, si on ne peut plus les lancer, elles ne sont plus utiles qu’au suicide.)

De Gaulle me semble illustrer les travaux d’Edgar Morin. La pensée de l’Américain et de l’intellectuel est « morale », elle est « simplifiante » : il y a le bien et le mal. Les deux étant précisément connus. La pensée de De Gaulle est « complexe ». Il n’a pas d’ennemi. Il n’y a que des gens qui ont leurs propres intérêts. Ce qui est tout à fait respectable. Mais ce qui exige aussi de se faire respecter.

Monde quantique

La découverte de la mécanique quantique aurait produit une transformation du monde bien supérieure à la révolution industrielle. Car nous sommes quantiques : il n’y aurait pas de laser, d’électronique, donc de smartphone, d’ordinateur, d’Internet et de numérique, sans mécanique quantique.

Je n’en avais pas conscience.

D’ailleurs, c’est un paradoxe. Car la mécanique quantique nous reste toujours en travers de la gorge. L’émission qui m’a fait écrire ces phrases (la science cqfd, de France culture) faisait entendre Louis Leprince-Ringuet qui disait, d’ailleurs, que ses élèves polytechniciens avaient beaucoup de difficultés avec la mécanique quantique, alors qu’ils n’en avaient pas avec la relativité.

Autre paradoxe : les découvertes ont immédiatement conduit à des applications. Ce qui montre peut-être que nous sommes avant tout pragmatiques.

C’est Einstein qui semble personnifier le mieux le trouble que suscite le quantique. Planck a eu l’idée de proposer une modélisation quantique pour résoudre une énigme. Einstein a pensé qu’il y avait une réalité derrière cette modélisation. Ce qui lui a permis d’expliquer le phénomène photo-électrique. Du coup, il a montré la voie à la physique. (Ce qui ferait de lui le véritable père de la physique quantique. Avec, de surcroit, la découverte de la dualité corpuscule – onde.) Mais, au même moment, il s’est dit que ce qu’il avait trouvé était impossible, sans quoi le monde serait absurde.

Mille feuille

J’ai découvert récemment le « mille feuille ». C’est ainsi que l’on caractérise l’Etat français. Chaque réforme ajoute des étages à l’Etat, sans en enlever. L’édifice est devenu kafkaïen. Faire la moindre démarche demande du génie, ou rend hystérique.

Cela me rappelle ce que me disaient des Siciliens. Eux aussi ont une bureaucratie kafkaïenne. Mais il y a un moyen de rendre les actes publics instantanés : laisser entendre que l’on connaît quelqu’inquiétant personnage de l’ombre.

Une bonne idée ? Un article en donne une autre. Ne pas toucher à l’existant, on a vu ce qui résultait des réformes, mais reconcevoir le dispositif en partant d’en bas, et, à chaque étage, se demander ce qu’il peut, ou non, faire. L’étage supérieur correspond à ce qui n’est pas possible de faire par l’étage inférieur.

Simple bon sens ? Ou révolution copernicienne ? Car cela renverse la logique française selon laquelle l’inférieur dans la hiérarchie sociale est un assisté sous tutelle.

Vive la Catalogne…

Election en Catalogne. Mauvaise gestion de cette très riche région par les partis indépendantistes, au pouvoir. Les électeurs les mettent en minorité.

Mais, le gouvernement du pays dans son ensemble ne tient que grâce à eux. En conséquence de quoi, ils lui disent : soit vous nous laissez gouverner la Catalogne, soit on vous fait sauter.

Intéressante conséquence imprévue de la démocratie.

(D’après les informations de Politico.eu, hier.)

Science et patience

AI-powered drug discovery demands investor patience
Machine intelligence is not yet a substitute for the experimentation that underpins understanding of a disease

Financial Times, 12 mai

A côté des messages triomphalistes, exploits isolés montés en épingle, il y a la réalité, qui l’est moins. (Et le FT qui semble avoir un esprit un peu plus critique que celui de sa profession.)

Les désirs du spéculateur ne sont pas des ordres pour la nature… Et l’IA n’a pas encore remplacé le scientifique. Et si le scientifique s’intéressait à l’IA ? S’il essayait de la comprendre, avec ses forces et ses limites ? Et s’il lui apportait son intelligence, et ses travaux venus d’autres disciplines ? Peut-être alors que la recherche médicale, et la recherche en général, y gagnerait ?

Immobilier et immigration

En Angleterre, la population croît si vite qu’il n’y a plus de quoi la loger (les informations de la BBC).

L’immigration ajoute, chaque année, 1% de plus à la population. Difficile de tenir le rythme, me dis-je. D’autant que cela doit produire un cercle vicieux : la pénurie de logements fait augmenter leurs prix, alors que ceux qui cherchent à se loger, immigrés ou autochtones, son pauvres.

Voilà une conséquence imprévue de l’immigration. On se dit qu’elle fournit une main d’oeuvre à bon marché, alors qu’elle a aussi un coût. Le laisser-faire a des limites.

(La pression doit être identique, d’ailleurs, sur le secteur public : NHS, écoles, etc.)

Insultes

J’ai été traité de tous les noms.

« D’HEC », par mes camarades centraliens, pour mon art, de bateleur, de la présentation de business plan. De « polytechnicien », par les HEC, autrement dit de monstre froid. Et même de « normalien » (option philo), pour mon inquiétante manipulation de concepts abstraits.

La seule fois que l’on a voulu me faire un compliment (un de mes patrons), on m’a dit que je ne ressemblais vraiment pas à un centralien. Et, que l’on ne m’ait jamais traité d’énarque, prouve que, malgré tout, je ne suis pas absolument haïssable.

Morale ? Il y a quelque-chose qui ne va pas dans notre société. Elle veut nous donner des titres, et ceux-ci sont retournés contre nous. A bas les privilèges ?

Bataille de Cannes

Le Festival de Cannes aurait été lancé, en 1939, en réaction à la prise de contrôle de la Mostra de Venise par Goebels. C’était le festival du monde libre. Et il se situe à Cannes, semble-t-il, du fait d’un habile lobbying de la mairie et d’un hôtelier, qui ont argué de ce que Cannes était le lieu de villégiature des Américains. La guerre s’étant déclarée en même temps, la première édition n’a pu avoir lieu.

La Mostra a été créée en 1932. Premier festival du film, elle est la reconnaissance de ce spectacle populaire comme un art. Il est logique, dans ces conditions, que ce soit un régime dit « populiste » qui en ait eu le premier l’idée.

Dans l’émission de France Culture, grâce à laquelle j’ai appris ce qui précède (Concordance des temps), j’ai aussi entendu dire que Jean Zay, le ministre radical qui est à l’origine du festival, aurait aussi inventé le système de financement du cinéma français actuel, qui a probablement fait son succès. (Un exemple de protectionnisme…)

Personnellement, je ne trouve pas beaucoup d’intérêt au festival de Cannes. Sa sélection ne me concerne pas. Qu’est-ce qui explique son succès ? Son origine ? Et le fait que les Américains en aient peut-être fait, au moins au départ, « leur » festival ?

Anti quoi ?

On dit que l’extrême gauche est devenue antisémite. C’est, d’ailleurs, une tâche sur la réputation du parti travailliste anglais dont il a beaucoup de mal à se débarrasser.

Mais n’est-ce qu’une question d’antisémitisme ? Quand je regarde la société actuelle, ce qui a été liquidé, c’est « le rêve de mon père », comme aurait dit Obama. Toute son ambition a été de construire une famille. Il est quasiment mort à la tâche. Et son idéal était celui des valeurs de la République. En particulier l’ascenseur scolaire, qui lui avait permis de faire des études. Or, il n’y a plus d’ascenseur.

D’ailleurs, je me souviens d’avoir entendu Sartre traiter de « bourgeois » des gens comme lui. Quand on connaît le milieu auquel appartenait Sartre, il lui a fallu un sacré toupet pour lancer une telle fatwa.

Paradoxe révélateur ? L’autre jour, les informations de la BBC traitaient de l’insécurité que ressentent les étudiants juifs, au sein des campus universitaires américains. Alors que je m’attendais à ce qu’elle interviewe un manifestant pro Hamas et un étudiant menacé, elle s’est adressée à une manifestante juive. Le « révolté » serait-il suicidaire ? Car, même s’il n’est pas juif, comme Sartre, il nie ce qu’il est. Il s’en prend à ses frères, en se prétendant le champion de telle ou telle communauté qui vomit ses valeurs.

Expression de la crise existentielle d’une certaine jeunesse ?

Giganto

Découverte, par moi, du gigantopithèque. Un singe immense, qui serait apparu il y aurait 2 millions d’années et aurait disparu il y a environ 200.000 ans. (La science cqfd, de France culture.)

Le plus surprenant est que l’on sait tout cela, et y compris la raison de sa disparition, grâce à quelques dents et mandibules. Et l’on saurait même pourquoi il en reste si peu : c’est la faute des porcs-épics, qui aiment à grignoter des os.

L’homme a une âme de détective !

(Mais s’il est aussi habile dans ses déductions que lorsqu’il s’agit de rendre la justice, on peut être inquiet pour la science…)