Rejet culturel ?

La gauche et la droite n’en finissent pas de sombrer.

Roche Tarpéienne et Capitole ? Il y eut un moment où elles pavoisaient. On entendait quelqu’un comme M.Kouchner dire que, au fond, il n’y avait pas grande différence entre elles. Et, surtout, elles se sont identifiées aux démocrates et républicains américains, jusqu’à s’appeler, effectivement, « républicains », pour la droite. M.Sarkozy n’avait-il pas fait tomber le mur de Berlin ?

N’est-ce pas là le noeud du problème ? Elles ont été prises en otage par une « élite », qui elle-même avait été convertie à ses valeurs par la soft power américaine ? Mais cela n’a pas été le cas du reste du pays, qui est restée attaché à ses valeurs anciennes. Si bien que cette élite ne représente plus rien ?

Mais elle domine toujours la politique locale. Car ses élus se contentent de faire leur métier ? Une bonne idée ?

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Extrême gauche

« Extrême gauche » est un mot qui a changé de sens. Il y a des années, extrême gauche aurait fait dire, probablement, « anarchiste ». En tous cas, l’extrême gauche était associée au miséreux.

Maintenant « extrême gauche », particulièrement aux USA, signifie « haute bourgeoisie ». Plus exactement « haute bourgeoisie intellectuelle », le fameux Bobo, dont les modèles sont les rentiers français que furent Flaubert ou Baudelaire.

Quand V.Giscard d’Estaing a dit à F.Mitterrand qu’il n’avait pas le « monopole du coeur », aurait-il exprimé la frustration d’une certaine classe de la population ? Pour obtenir ce qu’elle désirait, aurait-elle utilisé ce qu’elle possédait : le langage ?

Gauche de progrès

Les mots jouent un rôle essentiel dans le changement. 

Le terme « gauche de progrès », par exemple. Qu’entendez-vous par « progrès » ? Probablement pas grand chose de très clair. Mais, qui est contre le progrès ? 

Et la gauche de progrès, qu’entend-elle par là ? A l’observer, il est probable qu’elle considère qu’il y a deux types d’êtres humains. Ceux qui inventent un monde joyeux de start up et « d’idées socialement avancées », l’élite ; et les esprits enténébrés, irrécupérables. 

Or, il est possible que la gauche ait toujours été de progrès. Et c’est peut-être pour cela que l’on n’a pas vu venir sa transformation. 

Quel était le sens original du mot ? On ne peut pas dire, à la naissance, ce que donnera un être humain, la société doit l’aider à « progresser », à « se réaliser », selon la terminologie de Maslow ?

Ne nous faisons pas payer de mots ?

Consécration ?

M.Mélenchon est devenu le leader de la gauche. 

Il a fait le même coup que Mme Le Pen. La gauche a abandonné le socialisme. Il l’a récupéré. Et elle est obligée de s’aligner derrière lui. Qui va à la chasse perd sa place. 

Même si je le connais peu, cela semble confirmer une de mes intuitions. M.Mélenchon est un Trotskyste. Et le Trotskyste est un ultra-libéral de gauche. Un individualiste forcené. Il ne craint rien tant que l’emprise de l’Etat. D’ailleurs, beaucoup de trotskystes ont basculé dans le néo libéralisme. 

Et c’est pour cela qu’il ne peut pas y avoir de parti trotskyste. Car tout trotskyste est, par construction, un « chef ». 

Bref, je pense que M.Mélenchon a toujours voulu être le « chef », mais n’a pas réussi à prendre la tête des socialistes. Alors, il a créé son mouvement. Et, ce fut long, mais il a gagné. Aurait-il inventé une nouvelle version, géniale ?, de « l’entrisme », la tactique du Trotskiste ?

Et il a adopté, je soupçonne, un positionnement qui est propre à la France : celui du conflit. C’est le paradoxe de Jaurès. Jaurès était modéré. Il avait vidé le Marxisme de sa substance. Et c’était un pacifiste, qui est mort pour la paix. Or, quand il a fallu unifier la gauche, il a cru que la violence populaire était légitime – contrairement à Clémenceau. C’est une solution de facilité. 

(Histoire des trotskistes : ici.)

Du social à l'idéal

La gauche a totalement évacué la question « sociale ». C’est étrange de se nommer « socialiste » dans ces conditions. Elle s’est passionnée, en particulier, pour de « grandes idées ».

Or, si l’on en croit les sondages, les partis qui portent ces « idées » représentent moins de 10% de l’électorat ! 

Ce qui fait la séduction des régimes dit « autoritaires », c’est qu’ils ont les pieds dans la réalité ? 

(PS. Article écrit avant les élections. Elles ont montré que les « grandes idées » étaient appréciées par bien moins de 10% des votants.)

Le changement et la gauche

Pour ma génération, la gauche, c’était la lutte des classes. C’était Marx, les Misérables, Germinal, camarade… Maintenant, celui qui parle au nom du peuple est un « populiste ». (Le terme n’a pas toujours eu sa connotation actuelle.)

En fait, mon étonnement ne ressortit pas tant à une question d’éthique, qu’au bon sens calculateur de l’intérêt à court terme : comment prétendre se faire élire, Mme Clinton, lorsque l’on se coupe de sa base, et d’autant d’électeurs ? 
Le changement c’est maintenant ?
France Culture consacrait à cette question une émission. Le sociologue interviewé définissait la « domination » moderne par la position que nous occupons au travail. Celui qui exécute, le « dominé » (dans sa définition mise à jour), représenterait 48% de la population. Il est plus souvent employé qu’ouvrier. La classe moyenne, dans une situation guère plus enviable, transmet les ordres, et le reste les donne. (Mais où sont les chefs d’entreprise, les indépendants, les agriculteurs et autres précaires, passablement « dominés » ?)
Paradoxalement, ce serait l’arrivée de la gauche au pouvoir qui aurait amorcé ce décalage vers la droite. A chaque élection, les promesses étaient trahies, et le mouvement s’accélérait. La gauche est dominée par des diplômés méprisants. Pour eux, nous sommes « la France moche ». 
Qu’en penser ? Je me souviens d’une dame du seizième qui me disait, en 81, que les ministres de gauche étaient inquiétants car ils n’avaient pas fait d’études. C’est tout le contraire aujourd’hui. 
La classe des (hauts) diplômés a pris le pouvoir et, comme l’aristocratie, elle agit selon ses intérêts ? Cette classe a redéfini ce que « gauche » signifiait ? La gauche ayant « le monopole du coeur », pourquoi devrait-elle avoir des scrupules ?

LRPS

Pourquoi les Républicains ne sont-ils que l’ombre d’eux mêmes ? se demandait France culture samedi matin. On pourrait aussi se poser la question pour le PS. A eux deux, un temps, ils se partageaient quasiment l’ensemble de l’électorat, à l’américaine, ou à l’anglaise. Ils étaient les vainqueurs de l’enterrement du projet de De Gaulle. 

Ce qu’il y avait de curieux dans le débat, c’est que l’on cherchait toutes les causes possibles, sans en voir une qui semble évidente : la personnalité des chefs du parti. Les candidats qui se portent bien dans les sondages semblent croire à ce qu’ils disent. Ceux de l’UMPS paraissent chercher les courants porteurs. Et si c’était, justement, cela que les électeurs avaient voulu « dégager » ? Et si l’UMPS avait été tué par sa masse, par son succès même : à la tête d’un appareil, il n’y a que des hommes d’appareil ? 

Ténébreuse gauche ?

Emission sur la gauche « anti lumières ». Cette gauche particulièrement influente accuse les idées des Lumières de tous les maux. Problème : la gauche, traditionnellement, était le parti du « progrès ». Or, ces thèses l’amènent à reprendre des idées de la philosophie allemande, compromise avec le nazisme (aussi anti Lumières), à s’aligner sur l’extrême droite réactionnaire, et à refuser la révolution, donc à donner raison à l’Ancien régime ! 

Tout ceci semble être une réaction à la guerre. En fait, j’en ai identifié plusieurs autres :

  • Un courant lié à la systémique, pense que ce qui compromet notre avenir est une science fondée sur la croyance en l’individu, dont le triomphe est la physique, et qui détruit la société, qu’elle ignore. Il faut créer une science de la société, des systèmes et de la complexité (cf. Edgar Morin). 
  • Un autre courant (H. Arendt, A. Camus…) pense que le mal est le « nihilisme », qui provient de la croyance (de l’intellectuel, en particulier) en des absolus. Sa conséquence est le totalitarisme. 
  • Un troisième courant, dominant, a estimé que la guerre avait une origine économique, la crise de 29, due à un manque de réglementation. D’où les accords de Bretton Woods.
Et si tous ces gens voyaient midi à leur porte ? Et s’il était dommage qu’ils n’aient pas pensé à parler entre eux ? Et si les lumières, c’était le dialogue ?

La gauche et l'Allemagne

On parle beaucoup de l’incapacité de la gauche à s’unir. Mais on ne s’interroge pas sur la cause de cette désunion. 

Je me demande si, pour la comprendre, il ne faut pas regarder vers l’Allemagne. L’Allemagne est un pays de coalitions. Cela signifie que l’on y adopte des compromis. Or, il me semble que ceux-ci ne proviennent pas d’un calcul, mais résultent plutôt de la conviction que l’autre n’a peut-être pas totalement tort. 

Les groupements d’entreprises semblent obéir à un phénomène similaire. Celles-ci ne se regroupent pas tant parce qu’elles ont beaucoup à y gagner que parce qu’elles sentent qu’elles partagent quelque-chose de fondamental avec leurs concurrents. 

Le respect mutuel serait-il la condition nécessaire de toute union solide ?

Panne d'idées

Jacques Attali : pourquoi la gauche est-elle en piteux état ? C’était, à peu près, la question posée ce matin par France Culture. (Emission.)

Réponse : panne d’idées. On les a toutes épuisées en 81. 

Ces idées, si j’ai bien compris, sont de l’ordre des « droits ». Il propose, après le droit de la femme, celui de l’enfant. 

Il y a des attentats, des gilets jaunes, des guerres dans tous les sens, des populations qui crèvent de faim, la Chine veut envahir Taiwan, le monde est ravagé par des épidémies, dues à l’hybris humain… et la gauche ne voit pas où trouver des idées ? 

Hier, on disait à M.Mitterrand qu’il n’avait pas le « monopole du coeur ». N’est-ce pas là le drame de la gauche ? Elle n’a plus de coeur. Elle n’est plus qu’une tête (et pas bien brillante ?). 

(Au passage : J.Attali explique pourquoi la gauche historique n’aimait pas le passé de F.Mitterrand. Terrible réquisitoire !)