Réformer l’éducation

L’éducation : cas désespéré ? Nous en fumes fiers, mais chaque réforme semble l’enfoncer un peu plus dans l’absurde. A croire que les forces au pouvoir en veulent au modèle social de la 3ème République !

Quelques observations :

  • on a démantelé des formations primaires (lire, écrire et compter), qui marchaient très bien. Pourquoi ?
  • les formations « d’élite » sont désormais concentrées dans les quartiers « privilégiés ».
  • les formations supérieures sont des désastres. Ce qui marche, c’est le BTS ou la préparation aux grandes écoles : l’élève a besoin d’être pris en main. Ce qui est le modèle des universités étrangères.
  • l’orientation ne se fait pas selon les talents, mais selon des critères abstraits, en outre en survalorisant de manière stupide les professions intellectuelles. Résultat : des diplômés malheureux et inutiles.

En fait, il me semble que tout le monde sait cela, sauf les réformateurs.

La solution au problème pourrait donc être locale. Laisser aux collectivités locales le soin de développer l’enseignement qui leur convient, et, surtout ?, laisser les enseignants se demander ce qui est bon pour leurs élèves, et suivre leur conscience. Cela produirait de l’inhomogène, certes. Mais ne serait pas grave. La concurrence a parfois du bon. Quant à l’éducation nationale, son rôle serait d’être un juge de paix, et d’encourager la concurrence, en faisant connaître les bonnes pratiques.

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Les changements de M.Macron

Pour tenter de comprendre ce qui a conduit au discours de Macron () Playbook a contacté Isabelle Lasserre, journaliste au Figaro. () « Jusqu’à il y a un mois et demi, il ne pensait pas cela des pays de l’Est », a déclaré Lasserre. « Avant, il y avait toujours une forme d’ambiguïté. Maintenant, j’ai l’impression qu’il pousse plus pour faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN que Biden.

Alors, qu’est-ce-qui s’est passé? () Macron a été « très influencé » par des politiciens américano-sceptiques, comme les anciens ministres Jean-Pierre Chevènement et Hubert Védrine, bien que Macron lui-même ne soit pas anti-américain. Cela a peut-être eu un impact sur son opinion de la Russie, mais pas nécessairement. « En fin de compte, il [Macron] décide », a déclaré Lasserre. « Il a un tel orgueil – il pense qu’il peut tout faire. » () « Au cours des derniers mois, il a progressivement changé », a-t-elle déclaré. « Jusque-là, il subissait l’histoire. Aujourd’hui, vous ne pouvez pas être le leader de l’Europe si vous n’êtes pas le leader de l’Ukraine. » (Politico.eu de hier matin. Traduction d’une traduction…)

On a attribué cette phrase a beaucoup de monde (j’ai même trouvé un équivalent chez Montaigne) : « il faut bien que je les suive, je suis leur chef ».

Egalité

L’apprentissage a le vent en poupe. Et il réussit, et il fournit de bons emplois. M.Macron en fait un élément essentiel de son programme.

Seulement, il pose un problème. Celui de l’égalité.

Notre nation a éliminé son ascenseur social qu’était l’école républicaine. Elle a désormais une classe dirigeante qui se reproduit. Faute de renouvellement, cela ne peut que conduire à un abêtissement général.

Comment éviter le maintien du statu-quo ?

Equilibrisme mondial

Numéro d’équilibrisme disait Arancha Gonzalez, ancienne ministre des affaires étrangères espagnole, à Christine Ockrent (Affaires étrangères, France culture, la semaine dernière).

Le monde est en équilibre instable. « Derisking China » est à l’ordre du jour. Paradoxalement, les USA comprendraient être allés trop loin dans la dénonciation de la Chine.

En tous cas, ce qui est certain est qu’on ne peut pas compter sur les USA. A tout moment ils peuvent être victimes d’un coup politique tordu, qui les amène à revenir sur tous leurs engagements. Trump n’est que l’a partie émergée de l’iceberg.

L’Allemagne est, de nouveau, l’homme malade de l’Europe. Elle a fait le pari du marché chinois et du gaz russe. C’est raté. (Et, en plus, sa population est vieille désormais, aura-t-elle l’énergie d’un nouveau changement ?)

Quant aux émergents, ils semblent commencer à émerger, et à peser.

Une chance pour l’Europe, apparemment. Car sa relative modération pourrait être dans l’air du temps. (A condition qu’elle oublie son complexe colonialiste ?)

Juste sommeil

62% (des Français) affirment avoir des difficultés dans leur sommeil, 1/3 des actifs dort moins de 6 heures par jour, 20% des adultes sont touchés par la somnolence et 1/3 des Français boit du café, d’après des chiffres de l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé). Parmi les raisons de ce manque de sommeil figurent notamment l’utilisation massive des écrans et les mutations sociétales. () coût annuel estimé à 100 milliards d’euros, soit plus de 4% du PIB national ! () l’insomnie par employé coûte chaque année 233 euros à l’employeur, 77 euros à l’assurance maladie et 100 euros à l’employé, qui a des difficultés dans son sommeil. En termes de présence au travail, les personnes ayant des troubles du sommeil sont absentes 11,5 jours par an contre 6 jours pour celles qui n’en ont pas. () le manque de sommeil réduit globalement la productivité au travail, en provoquant des baisses de l’attention et de la concentration et des pertes d’efficacité. (Article de l’ILB.)

Un temps, les USA ont assimilé le sommeil à de la paresse. En quelque-sorte le naturel revient au galop.

J’imagine que Durkheim aurait dit que le manque de sommeil était une pathologie sociale, et qu’il se serait demandé quels étaient les fameux « changements sociétaux » en cause.

(En tous cas, si le travail, c’est la santé, la santé, c’est aussi le travail…)

Gilet jaune über alles

Industrie, souverainisme, protectionnisme, formation professionnelle, emplois bien payés, pause dans les réformes environnementales… On a ri des Gilets jaunes. Et pourtant, ils ont vaincu. M.Macron fait dorénavant leur politique. En cela, il ne fait que suivre, avec retard, la tendance mondiale.

Pour autant, la morale publique ne change pas. Par exemple, on brandit toujours la menace du GIEC.

Les classes qui font l’opinion ne feraient-elles pas le changement, M.Gramsci ?

Entreprise « agile »

On lit que « la génération digitale » veut une entreprise « agile ». Qu’est-ce que cela signifie ?

Peut-être faut-il relire les théoriciens des organisations du siècle dernier pour comprendre ce que l’on reproche à l’entreprise actuelle. Implicitement, l’organisation hiérarchique est fondée sur l’hypothèse d’une différence d’aptitude. L’inférieur n’est bon qu’à être un exécutant, une machine. Il n’utilise sa tête que dans la mesure où l’on n’a pas encore trouvé de machine qui sache le faire.

A ce modèle, s’oppose l’idée que les êtres humains ne peuvent pas être hiérarchisés, et que rien ne peut justifier la domination de l’homme sur l’homme. Le propre de l’homme est à la fois la créativité et le désir de contribuer au bonheur de la société. D’où les mots que l’on entend si souvent aujourd’hui : « sens », « impact », « mission ».

« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien en toi qu’en autrui, toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen ». (Kant)

Compléments :

Valeur travail

Il y a deux décennies on a commencé à lire que « l’élite » américaine considérait le reste du peuple comme paresseux. Puis, le phénomène semble avoir gagné la France. Comme si la France imitait les USA. Les propos de M.Macron sur le travail que l’on trouve au coin de la rue, rappellent cette opinion.

L’argument est le suivant. « L’élite » a gagné durement ses diplômes. En outre, son travail et sa vie sont généralement confondus. Aux autres de faire le reste du travail, c’est-à-dire d’être à ses ordres.

A l’élite le « bon boulot » et aux autres le « sale boulot » ? Serait-ce là ce qui ne va pas ?

Et si le travail était une contribution individuelle à l’effort collectif ? Chacun a plus ou moins une mission. Dans celle-ci il y a de l’agréable et du moins agréable. Exemple : l’entrepreneur. Quand il lance son entreprise, il doit tout faire, car il n’a pas d’argent. Autre exemple : le roi d’Angleterre, dont on parle tant. Il a des châteaux, mais aussi, il est un serviteur de son pays, passant une grande partie de son temps en représentation ou en actions charitables.

France libérée ?

« Aucune politique publique n’est clairement décentralisée. L’Etat est toujours le garant en dernier ressort et garde aussi beaucoup trop le pouvoir normatif ou une partie des compétences. Ça crée l’inefficacité » dit M.Macron.

Il veut calmer les frustrations de la population en accordant certains pouvoirs de l’Etat au « niveau local« . On lui répond :

Il ne reste plus qu’un prince à la tête d’un Etat vaporeux, qui, d’en haut, peut revenir sur les compétences exercées, en bas, d’un claquement de doigts. () La vision territoriale d’Emmanuel Macron dépend beaucoup des intérêts électoraux de La République en marche.

M.Macron serait-il aux prises avec un choix cornélien, entre raison et instinct ?

Modèle français

Qui l’eut dit ? La France est citée en exemple ! Une fois de plus par un invité de la BBC.

Cette fois c’est au sujet de batteries. Les constructeurs automobiles menacent de retirer leurs usines d’Angleterre si elle ne renégocie pas l’accord du Brexit. Et l’on entend le nom de M.Macron, modèle et menace : il a une véritable politique industrielle, contrairement à l’Angleterre. Curieusement, on n’entend pas parler d’autres pays.

Enseignement ? la communication de M.Macron est plus efficace à l’étranger qu’en France ?

Plus simplement, l’Angleterre découvre peut-être l’humilité. Elle a choisi le Brexit au moment où le monde se réorganisait en blocs protectionnistes. Et elle n’est finalement pas aussi perfide qu’elle le croyait : loin de tirer les marrons du feu, comme la Turquie ou l’Inde, elle est devenue une sorte de Juif errant ?